Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila

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CHAPITRE 35

Combien il importe d'entrer dans la voie de l'oraison avec une ferme détermination et en ne faisant aucun cas des difficultés que suscite le démon.
1 Ne vous étonnez pas, mes filles, car c'est le chemin royal qui conduit au ciel. En le suivant, on gagne un grand trésor, rien d'étonnant donc qu'il semble nous coûter cher. Un temps viendra où vous comprendrez combien tout n'est que néant comparé au prix inestimable de ce que vous aurez acquis.
2 Revenons maintenant à ceux qui désirent boire de cette eau de vie et veulent cheminer jusqu'à parvenir à la source même ; comment doivent-ils commencer ? Je le répète : il est très important, il est capital (et bien que j'aie lu dans un livre, et même dans plusieurs, que c'était une chose excellente de commencer de la sorte, rien ne se perdra, je pense, si je le redis ici) qu'ils prennent la détermination absolue de ne pas s'arrêter qu'ils ne soient arrivés à cette source ; ceci, quoi qu'il arrive ou puisse survenir, quelles que soient les difficultés ou les médisances, que nous devions arriver au terme ou mourir en chemin, que nous manquions de courage pour supporter les épreuves de la route ou que le monde s'écroule ! On nous dit très souvent : " ce chemin est plein de dangers ", " une telle s'y est perdue ", " celui-ci s'est égaré ", " tel autre qui priait est tombé ", " c'est faire tort à la vertu ", " cela ne convient pas aux femmes si sujettes aux illusions ", " mieux vaudrait qu'elles filent ", " elles n'ont pas besoin de ces subtilités ", " le Paternoster et l'Avemaria leur suffisent ".
3 Assurément, mes soeurs, j'en dis tout autant ; bien sûr que cela suffit ! et ce sera toujours un grand bien de fonder votre oraison sur des prières prononcées par de telles lèvres. En cela on a raison, car si notre faiblesse n'était pas si grande et notre dévotion si tiède, nous n'aurions pas besoin d'autres méthodes d'oraison ni d'autres livres ; nous ne ressentirions pas non plus la nécessité d'autres prières.
4 J'ai donc pensé (puisque, je l'ai déjà dit, je m'adresse à des âmes qui ne peuvent se recueillir pour méditer les mystères - elles n'y voient qu'une attitude feinte - et à des esprits si subtils que rien ne les contente) établir sur le Pater des règles pour commencer, poursuivre et conclure l'oraison, en ne faisant toutefois qu'effleurer les degrés les plus hauts puisque, je le répète, j'en ai déjà traité par écrit ; et on ne pourra vous ôter tous les livres que vous ne puissiez garder un si bon livre ; si vous l'étudiez avec soin et humilité, vous n'aurez pas besoin d'autre chose. Pour moi, j'ai toujours beaucoup aimé les paroles de l'Évangile, paroles qui sont sorties des lèvres très sacrées du Seigneur, et elles m'ont toujours plus recueillie que les livres très bien composés ; quant à ceux dont les auteurs n'étaient pas très approuvés, je n'avais nulle envie de les lire.
Je n'expliquerai pas, toutefois, ces divines prières - je n'aurais pas cette audace, et d'ailleurs maintes explications écrites abondent à leur sujet ; m'y risquer serait folie de ma part -, je me bornerai à soumettre quelques considérations sur certaines paroles. Parfois le grand nombre de livres nous fait perdre la dévotion là où il nous faudrait tant l'avoir, tandis que le maître, c'est évident, lorsqu'il enseigne une chose, s'affectionne à son élève, il est content que son enseignement lui plaise et il l'aide beaucoup à l'apprendre ; voilà ce que fera pour nous notre Maître céleste.