Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 69
Conseils pour ces tentations ; les remèdes sont : l'amour et la crainte de Dieu. Parle de la crainte.
1 Et suivez ce
conseil qui ne vient pas de moi mais de votre Maître : efforcez-vous de
cheminer dans l'amour et la crainte. Je vous affirme que l'amour vous fera presser
le pas, et que la crainte vous fera regarder où vous devez poser les
pieds pour ne pas tomber. Avec ces deux choses, il est sûr que vous ne
vous tromperez pas.
2 Mais, me direz-vous, à quel signe pourrons-nous reconnaître que
nous possédons ces deux choses si grandes ? On s'en aperçoit tout
de suite ; les aveugles, comme on dit, les voient ; ces choses ne sont pas secrètes,
elles sont si hurlantes que, malgré vous, vous entendrez le bruit qu'elles
font ; et on les remarque d'autant plus que ceux qui les possèdent sont
moins nombreux. Amour et crainte de Dieu, cela n'a l'air de rien ! Ce sont pourtant
deux places fortes d'où l'on fait la guerre au monde et aux démons.
3 Ceux qui aiment vraiment Dieu, aiment tout ce qui est bon, veulent tout ce
qui est bon, favorisent tout ce qui est bon, louent tout ce qui est bon, s'unissent
avec les bons, les défendent toujours et embrassent toutes les vertus
; ils n'aiment que la vérité et ce qui est digne d'être
aimé. Pensez-vous que celui qui aime vraiment Dieu, aime les vanités
? Non, certes ! pas plus qu'il ne peut aimer les richesses, les choses de ce
monde ou les honneurs ; il ne connaît pas davantage l'envie. La raison
en est que son unique ambition est de contenter l'Aimé. Il se meurt du
désir d'être aimé de lui, et consume sa vie à rechercher
les moyens de lui plaire toujours davantage. Se cacher ? C'est impossible !
Voyez plutôt un saint Paul, une sainte Madeleine : au bout de trois jours
le premier commence à comprendre qu'il est malade d'amour ; Madeleine
le comprend dès le premier jour et avec quelle évidence ! Car
il y a divers degrés dans cet amour, selon sa force il se manifeste plus
ou moins : s'il est faible, il se montre faiblement, et s'il est puissant, il
se montre puissamment.
4 Mais comme nous parlons principalement des pièges et illusions que
le démon réserve à ceux qui sont élevés à
la contemplation parfaite et aux hautes faveurs, je dis que l'amour est grand
chez les contemplatifs ; aussi se manifeste-t-il fortement et de bien des manières
Comme un grand feu, obligatoirement il jette un vif éclat ! S'il n'en
est pas ainsi, ils doivent se défier d'eux-mêmes et croire qu'ils
ont sujet de trembler ; qu'ils en cherchent la cause, qu'ils fassent des prières,
se tiennent dans l'humilité et supplient le Seigneur de ne pas les induire
en tentation ; car si ce signe fait défaut, ils sont déjà
dans la tentation. Mais si vous restez humbles et cherchez à connaître
la vérité, si vous obéissez à votre confesseur,
sachez-le : le Seigneur est fidèle 334 ; et si vous n'avez en vous aucune
malice et ne ressentez aucun orgueil, croyez que là où le démon
pensait vous donner la mort, Il vous donnera la vie. Si vous êtes soumis
aux enseignements de l'Église, vous n'avez rien à craindre ; quelque
terreur et illusion que le démon puisse susciter, il trahira aussitôt
sa présence.
5 Alors, si vous sentez cet amour de Dieu dont j'ai parlé et la crainte
dont je vais vous entretenir, réjouissez-vous et soyez en paix. C'est
pour troubler votre âme et l'empêcher de jouir de biens si élevés
que le démon cherche à vous inspirer mille vaines terreurs, et
à persuader les autres d'en faire tout autant. Comme il ne peut vous
gagner, il tâche du moins de vous faire perdre quelque chose, et pousse
à leur perte ceux qui pourraient gagner beaucoup s'ils croyaient que
Dieu accorde de si hautes faveurs à une si vile créature.