Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 68
Suite du même sujet et conseils concernant les tentations.
1 Le démon peut aussi mettre en vous un sentiment
de sécurité qui vous incite à croire que, pour rien au
monde, vous ne retomberez dans les fautes passées : " je sais ce
qu'est le monde. " Cette tentation est la pire de toutes, et particulièrement
si elle survient dans les débuts, parce qu'elle vous pousse à
vous exposer aux occasions ; vous vous y précipitez la tête la
première, et plaise à Dieu que vous vous releviez de cette chute
! Comme le démon voit que cette âme peut lui nuire et être
utile à d'autres, il fait tout ce qu'il peut pour l'empêcher de
se relever.
2 Pour ce qui est des consolations, si le Seigneur vous amène à
la contemplation, s'il vous fait participer tout spécialement aux richesses
de sa Personne, s'il vous donne des gages de son amour, ayez soin de commencer
et de finir par un examen de conscience ; soyez sur vos gardes, et discutez
toutes choses avec quelqu'un qui vous comprenne, car c'est là, sous une
forme ou sous une autre, que le démon fait ses mauvais coups. Il existe
de nombreux livres fourmillants d'avis semblables, mais tous autant qu'ils sont
ne peuvent nous donner une entière sécurité, car nous ne
savons pas nous comprendre.
3 Père Éternel, ne nous soumettez donc pas à cette tentation
! Qu'on nous attaque ouvertement, si nous avons votre grâce ; mais ces
trahisons, qui pourra les découvrir, ô mon Dieu ? Nous avons toujours
besoin de votre secours. Manifestez vous de quelque manière, Seigneur,
afin que nous ne vivions pas dans une peur continuelle. Vous savez bien que
ceux qui suivent ce chemin ne sont pas nombreux, et que s'ils doivent avancer
au milieu de tant de craintes, ils le seront encore beaucoup moins.
4 Voilà une chose étrange ! Comme si le démon ne tentait
pas ceux qui ne pratiquent pas l'oraison ! Tout le monde s'étonne davantage
de voir un de ceux qui cheminent sur cette route trompé par le démon,
que d'en voir cent mille autres aller droit en enfer par d'autres chemins. Et,
en vérité, le monde a raison, car, parmi ceux qui récitent
le Paternoster avec l'attention voulue, il y en a si peu qui se laissent tromper
par le démon, que l'on s'en étonne comme d'une chose nouvelle
et inhabituelle. L'homme est d'ailleurs ainsi fait : il passe facilement par-
dessus ce qu'il voit quotidiennement, et s'étonne de ce qui n'est jamais
arrivé. Les démons eux-mêmes les incitent à s'étonner,
parce qu'ils y trouvent leur compte, et qu'une seule âme qui arrive à
la perfection leur en fait perdre beaucoup d'autres.
5 Et, je le répète, ces chutes sont si surprenantes que je ne
m'étonne pas qu'on en soit surpris car, à moins que ce ne soit
vraiment de leur faute, ceux qui s'engagent sur cette route sont beaucoup plus
à l'abri que ceux qui cheminent sur n'importe quelle autre ; tout comme
ceux qui regardent la corrida d'une tribune sont davantage protégés
que ceux qui se placent devant le taureau, et s'exposent à recevoir un
coup de corne. Cette comparaison, que j'ai entendue quelque part, me semble
convenir au pied de la lettre. Ne craignez pas, mes soeurs, de suivre les chemins
de l'oraison : il s'y trouve de nombreuses voies ; les unes, comme je l'ai dit,
conviennent à ceux-ci, les autres à ceux-là. C'est un chemin
sûr ; vous échapperez plus promptement à la tentation en
restant près du Seigneur qu'en vous éloignant de lui. Suppliez-le
de vous accorder cette grâce et demandez-la lui par cette prière
du Paternoster que vous répétez tant de fois chaque jour.