Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila

INDEX DES 73 CHAPITRES

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CHAPITRE 62

Du recueillement qu'il faut avoir après avoir communié.

1 Je me suis beaucoup étendue sur ce point - et pourtant j'en avais déjà parlé longuement à propos de l'oraison de recueillement - parce qu'il est extrêmement important que nous nous retirions en nous- mêmes pour y être seules avec Dieu ; et lorsque vous entendrez la messe sans communier, communiez spirituellement, et c'est d'un très grand profit, et faites la même chose. Vous imprimerez alors en vous un amour profond pour ce Seigneur, car si nous nous disposons à le recevoir, il ne manque jamais de se donner, et il donne de mille façons qui échappent à notre entendement. C'est comme si nous nous approchions du feu ; il a beau être très ardent, si vous cachez vos mains, vous ne vous réchaufferez guère : vous continuerez à avoir froid ; et pourtant, c'est encore mieux que de ne pas voir le feu du tout, car si vous en êtes près, vous finissez par sentir la chaleur. Mais vouloir vous approcher du Seigneur est une chose toute différente, car si l'âme est bien disposée, la moindre étincelle qui se détachera l'embrasera tout entière. Et il nous importe tant, mes filles, de nous y préparer, que vous ne devez pas vous étonner si je vous le répète si souvent.
2 Et si au début il ne se révèle pas à vous, si vous ne vous trouvez pas bien de cette pratique (vraisemblablement le démon, sachant quel dommage en résulte pour lui, emplira votre coeur de crainte et vous donnera des angoisses), et si vous sentez plus de dévotion envers d'autres méthodes et en éprouvez moins pour celle-ci, ne l'abandonnez pourtant pas ; elle servira au Seigneur pour éprouver l'amour que vous avez pour lui. Souvenez-vous qu'il y a peu d'âmes qui l'accompagnent et le suivent dans les épreuves, souffrez quelque chose pour lui, Sa Majesté vous le rendra ; songez aussi au nombre de personnes qui, non seulement ne veulent pas rester avec lui, mais le chassent de leur demeure tout à fait irrévérencieusement et grossièrement. Nous devons donc souffrir quelque chose pour lui montrer que nous avons le désir de le voir. Et puisqu'en de nombreux endroits on le laisse seul, on lui inflige de mauvais traitements, puisqu'il supporte tout, est prêt à tout supporter pour trouver une seule âme qui le reçoive avec amour et lui tienne compagnie, soyez cette âme-là !
S'il n'y en avait aucune, le Père Éternel aurait raison de ne pas lui permettre de rester parmi nous ; mais il est un si bon Ami pour ses amis et un si bon Maître pour ses serviteurs que, voyant la volonté de son Fils bien-aimé, il ne veut pas entraver une oeuvre si excellente - où brille si parfaitement l'amour du Fils pour le Père - et réalisée dans l'admirable invention qu'il a découverte pour nous montrer combien il nous aime, et pour nous aider à supporter nos épreuves.
3 Eh bien, ô Père saint qui êtes dans les cieux, puisque vous le voulez et que vous l'acceptez - il était clair que vous ne pouviez pas refuser une chose qui nous était si profitable - il faut que quelqu'un, comme je l'ai dit au début, parle en faveur de votre Fils car, quant à Lui, il n'a jamais su se défendre. Ainsi donc, mes filles, je vous supplie de m'aider et de vous adresser avec moi et en son nom, à notre Père saint : " Votre Fils a déployé pour nous toutes les ressources de l'Amour en nous accordant, à nous pécheurs, un si grand bienfait ; que Votre Majesté accepte de faire en sorte qu'il ne soit pas maltraité à ce point ; et puisque votre saint Fils nous a fourni un moyen si excellent de s'offrir pour nous très souvent en sacrifice, qu'un don si précieux arrête le cours des maux et des outrages terribles commis aux endroits où se trouve le Très Saint Sacrement. " Ne dirait-on pas en effet qu'ils veulent à nouveau le jeter hors du monde ? Ils l'enlèvent des temples, causent la perte d'innombrables prêtres, profanent maintes et maintes églises ; et ceci arrive même parmi les chrétiens qui, parfois, vont plus à l'Église pour l'offenser que pour l'adorer.
4 Qu'est-ce cela, Seigneur ? Ou mettez fin au monde, ou remédiez à de si grands maux, car il n'y a pas de coeur qui puisse le supporter, pas même celui de personnes aussi misérables que nous. Je vous en supplie, Père Éternel, ne le supportez pas plus longtemps vous- même ; arrêtez ce feu, Seigneur. Considérez que votre Fils est encore en ce monde ; par respect pour lui, que cessent des choses si horribles et si abominables, car sa beauté et sa pureté ne méritent pas qu'il demeure là où il y a tant de mauvaises odeurs. Faites-le, Seigneur, non pour nous qui ne le méritons pas, mais pour votre Fils. Nous n'osons pas vous demander de ne pas le laisser ici-bas, puisqu'il a obtenu de vous que vous le laissiez " aujourd'hui ", c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde et que toute chose cesserait d'exister s'il n'était plus parmi nous ; car si quelque chose peut apaiser votre colère, c'est de voir ici-bas un gage si précieux. Mais, Seigneur, il doit y avoir un remède à tant de maux ; que Votre Majesté l'applique ! Si vous le voulez, vous pouvez.
5 O Seigneur, que ne puis-je vous importuner à l'extrême, et que ne vous ai-je au moins un peu servi, pour avoir le droit de vous demander une si grande faveur pour prix de mes services, puisque vous n'en laissez aucun sans récompense ! Mais je n'ai rien fait pour vous, Seigneur ; au contraire, c'est peut-être moi qui vous ai courroucé de telle sorte que mes péchés ont attiré tant de maux. Alors, que puis-je faire, Seigneur, si ce n'est vous présenter ce pain béni ? bien que ce soit vous qui nous l'ayez donné, je ne puis que vous le rendre et vous supplier, par les mérites de votre Fils, de m'accorder cette grâce qu'il a méritée de tant de manières. Allons, Seigneur, allons, faites que le calme revienne sur cette mer, et que le vaisseau de l'Église ne soit pas toujours secoué par des tempêtes ; sauvez-nous, ô mon Dieu, car nous périssons.