Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
Ou page par page : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73
CHAPITRE 41
Du grand gain qu'une âme retire à prier vocalement avec perfection, et comment Dieu l'élève à des choses surnaturelles.
1 Il est possible,
tandis que vous récitez le Paternoster, que Dieu vous élève
à la contemplation parfaite, si vous le récitez bien ; le Seigneur
montre ainsi qu'il entend celui qui lui parle, et Sa Majesté suspend
son entendement, arrête ses pensées et, comme on dit, lui coupe
la parole, de sorte que même si l'on veut parler, c'est au prix d'un très
grand effort.
2 L'âme comprend que, sans bruit de paroles, le Maître opère
en elles et que les puissances sont au repos, tout au moins dans la mesure où
il est possible de le percevoir. Ceci est la contemplation parfaite.
3 Vous saurez maintenant en quoi elle diffère de l'oraison mentale ;
celle-ci, je le répète, consiste à penser à ce que
nous disons et à le comprendre, comme aussi à considérer
à qui nous parlons, et ce que nous sommes pour oser nous adresser à
un si grand Seigneur. S'entretenir de ces pensées et d'autres semblables,
comme songer, par exemple, au peu que nous l'avons servi et à la grande
obligation où nous sommes de le servir, c'est pratiquer l'oraison mentale
; ne vous imaginez pas qu'elle soit quelque autre chose inintelligible et, par
conséquent, que ce mot ne vous effraie pas. Réciter le Paternoster
- ou une autre prière de votre choix - c'est pratiquer l'oraison vocale.
Mais voyez combien l'oraison vocale serait discordante si vous vous y adonniez
sans attention ; même les paroles ne seraient pas toujours dites en bon
ordre. Dans ces deux formes d'oraison nous pouvons quelque chose par nous- mêmes,
avec la grâce de Dieu. Dans la contemplation dont je viens de parler,
nous ne pouvons rien ; c'est Dieu qui fait tout, c'est son oeuvre, et elle surpasse
notre nature.
4 Comme j'ai expliqué toute la substance de la contemplation dans le
livre que je dis avoir écrit, il est inutile que j'en parle ici en détail
(dans ce récit, j'ai relaté tout ce que je savais à ce
sujet). Celles qui parviendront à être élevées par
Dieu à l'état de contemplation où vous êtes arrivées
- car, comme je l'ai dit, plusieurs d'entre vous y sont parvenues - doivent
se le procurer ; il aura pour elles la plus grande importance quand je serai
morte 191. Quant aux autres, elles n'en ont pas besoin ; qu'elles s'efforcent
seulement d'appliquer ce que je dis dans ce livre : progresser par tous les
moyens possibles et veiller, en suppliant le Seigneur et en faisant ce qui dépend
d'elles, à ce qu'il leur accorde ce don. Le reste, c'est au Seigneur
lui-même de le donner, et il ne le refuse pas à celui qui, comme
il a été dit, ne cesse de combattre jusqu'à ce qu'il soit
arrivé à la fin du chemin.